Retour de la brousse
Je reviens de la « brousse » (à prononcer en roulant le ‘r’ et la bouche bien en cœur). Quand on sort de bRRousse, si tout s’est bien passé, on est fatigué voire exténué, malade (diarrhée le plus souvent), on sent le feu de bois, on a des boutons de moustiques, des tiques dans la peau, on sent la transpiration, on aime les boîtes de sardines et les bâtons de manioc : les Tchiquang ! Ben moi je suis rentrée comme ça. Mais c’était super. Le travail en brousse ça consiste d’abord à faire faire un layon (sorte de petit chemin dans la forêt) bien orienté (cheznous, ils sont est-ouest) par plusieurs machetteurs dont un guidé par un boussolier qui le guide dans le droit chemin. Et puis un chaîneur : un gars avec un « topofil », une grosse boîte avec une sorte de fil d’ariane à l’intérieur avec un compteur de mètres, et qui plante un piquet tous les 25 mètres. Toute cette équipe constituée de 6 personnes est suivie de deux autres équipes : une qui compte les crottes de gorilles, enfin les indices indirects ou directs de présence de faune (terrier, crottes, restes de repas, nids, traces, pistes…etc) et puis les petits arbres, et une autre qui compte les gros arbres avec l’aide d’un botaniste… en tout ils sont 15… Quand on arrive (nous on était parti trop tard donc on a dormi le premier soir dans un village) mais normalement il fait jour et les gars trouvent un endroit, relativement plat, sans arbres où les fruits mûrs tombent, proche d’une rivière, pour poser leur bâche. Ils débroussaillent, ils font des piquets, et mettent une bâche qui leur sert de toit, puis font d’autres piquets pour faire leur « lits-picots ». Je vous joins une petite photo pour que vous ayez une idée. La nôtre est pas mal mais des fois ils se font même des petits bancs, des étagères. A côté de ça, il y a la tente du chef : moi ! je vous rassure je n’est pas une couronne pleine de plumes et on ne fume pas de calumet !!! Le travail, ça commence vers 6h30 du matin, et ça s’arrête vers 15h. On mange donc avant et après… Moi qui n’avais pas très faim quand je suis arrivée les premiers mois ici, je peux vous dire que quand on a passé la journée à éviter de se casser la figure parmi les petits bouts de bois pointus (résultat du machettage) qui vous ont déjà bien éraflé les mollets et les tibias, on a faim et on mange tout ce qu’il y a surtout quand ça fait 6 mois qu’on a pas fait un brin de sport et qu’on est rouge comme une tomate. Ensuite vient l’heure « d’aller à l’eau ». Heureusement, là où nous avons choisi de mettre la « bâche », c’était entre deux points d’eau. Du coup, mes gars allaient tous à un point et moi toute seule à un autre. Ce n’est pas terrible de se laver avec de l’eau tellement douce qu’on peut à peine se rincer… l’eau n’étant bien évidemment pas très chaude. Enfin bon, l’ambiance est sympa… heureusement d’ailleurs parce qu’il faut garder le rythme pendant 21 jours non stop. Mes gars m’ont promis une veillée pour le dernier soir avec danses et chants en « langue ». Ici les « langues » se sont les langues locales, dans la région où je travaille il y en a trois principales : kwélé, kota et fang ! En tous cas, je peux vous dire que ce premier « barda » (c’est le terme utilisé) m’a bien épuisé… et il reste quelques jours. Un soir, un de mes gars s’est fait piqué par un scorpion, petite galère de se rhabiller vite fait dans un 2m3 quand on vous appelle « Madame, il y a Clotaire qui s’est fait mordre par quelque chose. Qu’est-ce qu’on fait ? Il a mal. » Ca je veux bien le croire ! Vu comment il parle et comment il se tient. Eh bien on saute dans la voiture et on descend au dispensaire le soigner. Des rencontres avec des bêtes, j’en ai déjà fait quelques unes. On a écrasé une grosse vipère du Gabon, des vipères ça, dis donc, c’est presque gros comme une cuisse et long comme une jambe d'Adriana Karembeu! J’ai aussi vu à d’autres occasions un céphalophe à dos jaune et le céphalophe dormant, et même des gorilles… heureusement ils étaient loin. On apprend beaucoup de choses avec les gars en forêt. Je sais maintenant faire la différence entre plusieurs crottes, plusieurs traces, plusieurs pistes. Le fois de la panthère est mortel si on vous prend avec cette bête et que les malheurs arrivent en série, on vous accuse !!! Et ici quand on vous accuse on ne fait pas semblant, il paraît ! Enfin voilà pour agrémenter ce petit récit je vous ai joins des photos. En ce qui concerne ma vie privée, ben je n’en ai pas beaucoup, mon travail me prend pas mal de mon temps. Ce n’est pas toujours évidemment de faire partie de la gente féminine dans ce genre de boulot, mais j’essaie de ne pas l’oublier quand même.